Souvent considérés comme des Canadiens anglais, les Écossais ont toujours tenu à leur caractère distinct. Les liens entre l’Écosse et le Canada remontent au 17e siècle. Depuis plus de 200 ans, l’immigration écossaise a été régulière et abondante. Explorateurs, industriels, éducateurs, politiciens et artistes, les Écossais ont contribué à l’évolution du Canada dans de nombreux domaines.
Les Écossais sont le troisième groupe en importance au Canada et parmi les premiers européens à s’y être établis. Lors du recensement canadien de 2016, 4 799 005 Canadiens se déclaraient de souche écossaise, soit 14 % de la population, à la fois dans les réponses simples et multiples.
Présentation
Les Écossais et leurs descendants ont profondément marqués la toponymie, l’économie, les institutions, la vie politique et culturelle du pays. Ils ont contribué à l’évolution du Canada dans plusieurs domaines. Au nombre des leurs, on relève les noms de Sir Alexander Tilloch Galt, James Bruce (Lord Elgin), Donald Alexander Smith (Lord Strathcona), William Lyon Mackenzie, Harold Adams Innis, Sir William Mackenzie, Sir Hugh Allan, George Stephen, Maxwell Aitken (Lord Beaverbrook), Alexander Begg, William Lewis Morton, Blair Fraser, Norman Bethune, Farley Mowat, Charles William Gordon (pseudonyme Ralph Connor), Douglas Campbell et Norman McLaren.
Migration et peuplement
Le royaume d’Écosse crée l’une des premières colonies au Canada lorsque, en 1621, Sir William Alexander est gratifié d’une charte royale pour le territoire de la Nouvelle-Écosse. Il installe au Cap-Breton et dans la baie de Fundy de petits établissements qui ne prospèrent guère, et le territoire est cédé à la France en 1632. Quelques Écossais immigrent en Nouvelle-France, mais le véritable mouvement migratoire s’amorce vers 1720 avec l’arrivée successive de quelques hommes de la région d’Orkney recrutés par la Compagnie de la Baie d’Hudson pour travailler dans l’Ouest. Des soldats des Highlands écossais forment les troupes d’élite de l’armée britannique qui vainc la France lors de la Guerre de Sept Ans. Plusieurs d’entre eux demeurent en Amérique du Nord, et, après 1759, des marchands écossais s’installent au Québec, où ils dominent le commerce et la traite des fourrures.
Entre 1770 et 1815, quelque 15 000 Écossais des Highlands s’établissent au Canada, principalement à l’Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse (voir Hector) et dans le Haut-Canada. La plupart viennent des Highlands de l’Ouest et des îles écossaises. À quelques exceptions près, ils ne parlent que le gaélique (voir Langues celtiques), et plusieurs sont de religion catholique. Ils se forment en communautés agricoles, et, au début du 19e siècle, le gaélique vient au troisième rang des langues européennes parlées au Canada. Quelques Highlanders sont attirés à la colonie de la rivière Rouge par le Comte de Selkirk, et quelques autres, engagés dans la traite des fourrures, s’y installent avec leurs familles autochtones après 1821 (voirMétis). Toutes ces communautés conservent les traditions écossaises et forment, durant plusieurs années, des enclaves ethniques distinctes.
Après 1815, l’immigration écossaise s’accroît et prend une autre tournure. Encouragés par les autorités britanniques, les Écossais des Lowlands se joignent aux Highlanders pour s’établir au Canada. Entre 1815 et 1870, ils sont ainsi 170 000 à traverser l’Atlantique, soit quelque 14 % de l’immigration britannique pour cette période. Vers les années 1850, la plupart de ces nouveaux arrivants s’installent dans la Province du Canadaplutôt que dans les colonies des Maritimes (voir Provinces de l’Atlantique). Selon le recensement de 1871, 157 Canadiens sur 1 000 sont d’origine écossaise, la proportion allant de 4,1 % au Québec à 33,7 % en Nouvelle-Écosse.
Les immigrants représentent un échantillonnage fidèle de l’ensemble de la population écossaise. La plupart sont fermiers ou artisans, mais on compte un fort contingent d’entrepreneurs et de membres de professions libérales, notamment des instituteurs et des ministres du culte. La plupart sont presbytériens (voir Églises presbytériennes et réformées) et parlent l’anglais. Ils ont tendance à se regrouper et se montrent particulièrement actifs dans la création d’institutions scolaires (voir Systèmes scolaires) consacrées à la formation des sujets les plus doués (par exemple le St. John’s College, à la rivière Rouge).
Depuis 1870, le rythme de l’immigration et de l’implantation écossaises s’est profondément modifié, obéissant en cela aux changements survenus au Canada et en Écosse. Lorsque les pressions démographiques se sont atténuées dans les Highlands, leurs habitants ont cessé d’immigrer en grand nombre au Canada. Dans les Lowlands, urbanisation et industrialisation réduisent la proportion relative d’agriculteurs, lesquels réduisent d’autant leur apport au flux migratoire.
Au Canada, entre-temps, la croissance manufacturière (voirFabrication industrielle) et l’explosion urbaine attirent les immigrants écossais, certains d’entre eux se dirigeant cependant vers les dernières grandes frontières agricoles de l’Ouest. Cette migration écossaise ne diminue pas pour autant. De 1871 à 1901, ils sont 80 000 à chercher ainsi au Canada un meilleur avenir. Ce nombre atteint 240 000 au début du siècle (avant la Première Guerre mondiale), 200 000 s’y ajoutent entre 1919 et 1930, et 147 000 entre 1946 et 1960.
Vie politique et économique
Au 19e siècle, les Écossais sont très présents en politique et dans le domaine du commerce. Des hommes tels James Glenieet John Neilson sont souvent les principaux critiques de structures politiques élitistes, en dépit du fait que d’autres Écossais, tels John Strachan, font partie de cette élite. Les deux premiers ministres du Canada, John A. Macdonald et Alexander Mackenzie, sont tous deux nés en Écosse.
Les Écossais sont aussi fort actifs dans le monde des affaires, particulièrement dans la traite des fourrures, le commerce du bois (voir Histoire du commerce du bois), les banques (voirActivité bancaire) et l’administration des chemins de fer (voirHistoire du chemin de fer). En 1779, des Écossais de Montréal(dont Simon McTavish, Isaac Todd et James McGill) fondent la Compagnie du Nord-Ouest (CNO) afin de concurrencer la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), détentrice du monopole de la traite des fourrures.
Rapidement, la CNO s’empare des deux tiers du marché. La lutte que se livrent les deux compagnies tourne parfois à des affrontements violents sur le terrain, mais en 1821, la CNO et la CBH fusionnent leurs activités. Plusieurs « barons du bois » qui domineront l’exploitation et le transport du bois dans la vallée de l’Outaouais (voir rivière des Outaouais), tels que James MacLaren, viennent d’Écosse. La Banque de Montréal (1818) et le chemin de fer du Canadien pacifique (1881) sont aussi des entreprises fructueuses créées par des hommes d’affaires écossais. Durant les années 1880, près de la moitié des chefs d’industrie proviennent de familles écossaises immigrées depuis peu au Canada.
Éducation
Ce succès en affaires génère des fortunes colossales dont la collectivité bénéficie ensuite par l’entremise de la philanthropie. Fondée en 1821 grâce au legs d’un terrain et d’une somme de 10 000 £ du marchand écossais James McGill, l’Université McGill jouit de la générosité financière de membres influents de la communauté écossaise de Montréal comme Peter Redpath, Lord Strathcona, Sir William Christopher Macdonald, John Molson Jr. et William Molson. Les bâtiments de cette université, tout comme plusieurs édifices montréalais, sont d’ailleurs conçus par des architectes écossais.
Dans les Maritimes, les Écossais sont à l’origine de la création de nombreux établissements d’enseignement. C’est le cas du collège Dalhousie à Halifax (devenu plus tard l’Université Dalhousie) ainsi que l’Université St. Francis Xavier d’Antigonish, fondés respectivement par George Ramsay (9e comte de Dalhousie, gouverneur de l’Amérique du Nord britanniqueentre 1820 et 1828) en 1818 et l’évêque catholique Colin Francis MacKinnon en 1853. En Ontario, le Collège Queen’s de Kingston (aujourd’hui l’Université Queen’s) est créé en 1841 par l’église presbytérienne, en collaboration avec l’Église d’Écosse.
On peut dire que c’est en grande partie à cause de l’influence des Écossais que la culture dominante au Canada fut britannique plutôt qu’anglaise et que l’on trouve, dans le système d’éducation et dans les valeurs morales de ce pays, des traits écossais typiques, comme l’observance du repos dominical et la tempérance. La philosophie morale écossaise a aussi exercé une forte influence sur l’enseignement de la philosophie au Canada.
Vie sociale et culturelle
Les Écossais ont fondé à travers le pays, leurs propres institutions. À Montréal, ils ont créé des clubs sociaux et sportifs (Beaver Club, Royal Montreal Curling Club, Royal Montreal GolfClub), des hôpitaux (Montreal General Hospital), des sociétés d’assistance mutuelle et des associations culturelles (St. Andrew’s Society of Montreal), voire même un bataillon d’infanterie, qui deviendra le Black Watch (Royal Highland Regiment) of Canada. La formation de ces institutions intervient parfois très tôt dans l’histoire des villes canadiennes. Ainsi, la St. Andrew’s and Caledonian Society of Vancouver est fondée la même année que la ville, soit en 1886.
Plusieurs toponymes canadiens font référence à la culture écossaise ou à des personnalités d’origine écossaise. Calgarytire ainsi son origine d’un nom gaélique qui signifie « ferme de la baie » ou peut-être « le jardin de Kali », alors que le fleuve Mackenzie est nommé en l’honneur de l’explorateur Alexander Mackenzie, qui en 1789, est le premier européen à le parcourir d’un bout à l’autre.
La culture écossaise a aussi marqué l’imaginaire de la littérature canadienne. Les récits des grands voyageurs et explorateurs écossais comme Alexander Henry et Mackenzie ont fait l’objet de nombreuses publications (voir Littérature de langue anglaise sur les explorations). Au début du 20e siècle, Ralph Connor (Charles William Gordon), un pasteur originaire du comté de Glengarry en Ontario est le canadien le plus lu, alors que ses romans (entre autres, Glengarry School Days) se vendent à plus de 5 millions d’exemplaires. The Scotch (1964) écrit par l’économiste John Kenneth Galbraith, un témoignage amusant à propos de son enfance dans une petite communauté écossaise du comté d’Elgin connaît un certain succès. Celui qu’on considère aujourd’hui comme le père du cinéma d’animation canadien, Norman McLaren est également d’origine écossaise.
Maintien du groupe
À l’instar de la plupart des autres groupes d’immigrants, les Écossais préfèrent l’Ontario et l’Ouest à la région de l’Atlantique et au Québec. Dans les Maritimes, une forte proportion de la population d’origine écossaise est native de ces provinces. Tout comme le Québec, Terre-Neuve n’a jamais abrité de population écossaise importante. On retrouve des Écossais dans toutes les autres provinces, en milieu urbain et en milieu rural.
Comme tous les autres groupes ethniques, ils se sont de plus en plus assimilés à la société canadienne, tout en gardant conscience de leur héritage culturel. De même ont-ils tenu à mettre l’accent sur certaines des manifestations les plus spectaculaires de leur appartenance, tels les clans, le tartan, les danses des Highlands et la pratique du curling.
Depuis 1819, les Jeux des Highlands se tiennent dans les diverses communautés écossaises du Canada. Cette tradition où compétitions sportives, danses et musique se côtoient, fait aujourd’hui partie intégrante de la culture canadienne. À Montréal, la St. Andrew Society organise annuellement des bals, des dîners et des conférences publiques afin de célébrer l’héritage écossais de la ville.
Depuis quelques années, elle propose également aux amateurs de Whisky et aux philanthropes de participer à la Whisky-Fête afin d’amasser des fonds pour la création d’une chaire d’études canadienne-écossaise à l’Université McGill. Enfin, tous les 25 janvier, des Canadiens d’origine écossaise se réunissent pour célébrer l’anniversaire de naissance du poète écossais Robbie Burns (1759–1796) et auteur du célèbre hymne national (non-officiel) écossais Scots Wha Hae. Le « Robbie Burns Day » est l’occasion d’entendre de la cornemuse, de revêtir le tartan et surtout de déguster le plat national, le haggis.
Quant au gaélique, son usage a décliné partout au Canada, tout comme en Écosse; il n’est plus parlé que par quelques milliers de personnes, principalement au Cap-Breton. Néanmoins, le Nova Scotia Office of Gaelic Affairs estime qu’il y a aujourd’hui 2 000 personnes dans cette province qui parlent le gaélique écossais. Fière de cet héritage, la Nouvelle-Écosse a mis en place différentes mesures pour promouvoir la préservation de cette langue. En 1997, le ministère de l’Éducation a développé un programme d’étude centré sur la culture gaélique pour les écoles secondaires (voir Enseignement secondaire). Une signalisation routière bilingue (en anglais et en gaélique) a aussi été développée et implantée en 2006 à l’initiative du ministère des Transports et des Travaux publics dans les localités de la province où la tradition gaélique est toujours vivante.
En somme, l’histoire et la culture écossaises ont connu une évolution bien différente de celle des autres groupes des îles britanniques, soit les Anglais, les Gallois et les Irlandais. Leur immigration au Canada et leur contribution à son développement diffèrent de celles des autres groupes ethniques, car elles se sont étalées sur plusieurs siècles plutôt que de s’être limitées à une époque ou à une région précise. Les Écossais n’ont jamais été suffisamment nombreux pour dominer, mais jamais si peu nombreux qu’ils aient dû disparaître.
Article par:
JM Bumsted
(from the website www.thecanadianencyclopedia.ca)